Les chiffres de croissance annoncés par la Chine font rêver les chroniqueurs économiques, les investisseurs et les exportateurs. Mais derrière ces annonces mirobolantes, quelle est la part d'investissement immobilier sans clientèle pour l'occuper ? Et quelle sera la facture de l'éclatement de la bulle ?
Je vous ai déjà parlé d'Ordos, la ville fantôme Chinoise, entièrement planifiée par les différents niveaux de gouvernements, pour 1 millions d'habitants, et qui reste désespérément aux 4 cinquièmes vide.
La plupart des logements ont été vendus à des investisseurs privés chinois, généralement des ménages accédant nouvellement à la classe moyenne supérieure, mais aussi quelques super-riches, qui ont voulu "investir dans la pierre" pour leurs vieux jours, qui ont pour ce faire contribué à former la plus grosse bulle de crédit de l'histoire chinoise, et qui pour la plupart ne verront pas un locataire avant très longtemps... Ils sont potentiellement ruinés, et cela devrait tout de même poser un "léger" problème aux banques prêteuses.Bref, Ordos, c'est le symbole du croisement de notre plan Ville Nouvelles de Paul Delouvrier dans les années 60, couplée à une méga-bulle de type "Robien-Scellier" à l'échelle de la Chine.
Time Magazine a un remarquable petit Slide Show qui montre l'étendue du désastre, en 14 photos. Une ville d'un millions d'habitants, neuve, vide... Et où des bâtiments se construisent encore !
En l'absence de code pour embarquer le slide ici, cliquez sur ce lien ou sur l'image pour aller voir l'album photo chez Time.
Ordos n'est pas un cas isolé. Prenez par exemple ce méga centre commercial à DongGuan:
Take for example one of the world’s largest shopping malls in Dongguan, China. The South China Mall is a seven million square foot retail and entertainment complex that was completed in 2005. Although no official cost has been made public, a six million square foot mall in Beijing opened in 2004 at a cost of $1.3 billion US dollars. It can naturally be assumed that the South China Mall was significantly more expensive.
South China Mall Map:
The South China Mall is a theme park shopping center with a mix of Las
Vegas style and Disneyland entertainment on a grand scale. You can take
a Venice Gondola ride on the mall’s mile long canal or walk through its
seven zones and imagine that you are in New York, San Francisco, Paris,
or Rome.
South China Mall Canal:
The mall is amazing, but there is a problem.
It’s nearly empty.
PBS a une vidéo sur ce centre commercial...
Ou encore la ville de Chenggong... Ou ce méga-projet "façon Dubaï World", déjà exposé ici.
Et n'oublions pas le niveau record des stocks d'immobilier commercial à Pékin, alors que les projets de construction... Se poursuivent !
Le logement réservé aux investisseurs les plus aisés
Sur le terrain, des chinois eux mêmes confirment l'existence d'une bulle. Mish Shedlock relate ici sa correspondance avec ses contacts chinois:
My home town is a second tier city with a population of around 1 million. The average wage in the city is around $3500/year. Housing costs around $90/sq-feet for a condo or apartment. You don't have much land for your home, and for even the small land belonging to you, you are only authorized to use it for 70 years. The obvious question is what will happen after 70 years? It seems that nobody really cares: 70 years ago, China was fighting the invasion of Japan in world war II. God only knows what will happen 70 years in the future. And given the quality of the buildings, it is questionable whether or not the building can last 70 years anyway.
The average apartment (1000 sq feet) will cost $90,000. This comparable with US condo prices in a second tier city. The price/income ratio is 25.7 for a single buyer! Even with a two-wage-earner family, the ratio is larger than 10.
For Beijing and Shanghai, housing is much more expensive. In Shanghai for example, the price for decent area is around 30000-Yuan/sq-meter, i.e., around $440/sq-feet. And yes, they are only condos/apartments. Hence, a 1000sq feet apartment will cost around $440,000. Yet the average college graduate earns only $5500/year.
How can they afford it? Short answer is they cannot. For the few who managed to buy in recent years, they dipped into the life-time savings of their parents, or even grandparents. One house deprived several generation's wealth in this case.
One clear clue (regarding the rising real estate prices in China) is that the average price-to-income ratio in Beijing has reached 27:1, five times the world average, according to data from the Bureau of Statistics of the Beijing Municipality. In addition, the average price-to-rent ratio neared 500:1 in the city, far above the international alarm threshold of 300:1, which sends out a clear signal that the foundation of the real estate boom is losing stability.
Certes, mais aux USA aussi, la bulle n'a touché que 10-12 états sur 50. Cela ne l'a pas empêché de faire exploser l'économie dans son entier !
Dans ces conditions, que valent les chiffres de croissance fous annoncés pour la Chine ? Tous ces immeubles vendus à des particuliers mal avisés sont inclus au chiffre du PIB mais ne créent pas la même valeur réelle, très loin s'en faut. Ce ne sont que des trous noirs qui aspirent cette valeur. Il est impossible de mesurer la part de ces villes et quartiers fantômes dans la croissance du PIB chinois, mais l'ampleur de la bulle de crédit laisse craindre qu'elle soit tout simplement énorme.
Comment cela va-t-il se finir ?
La question qui se pose est évidemment de savoir quels dégâts cette bulle fera en explosant. Car elle ne peut pas ne pas exploser. Une partie de ces investisseurs qui se sont endettés et qui espéraient recevoir en échange un loyer, vont devoir revendre pour faire face à leurs dettes. Et là... "pschitt".
L'hypothèse la plus souvent citée est que la banque centrale chinoise ne s'embarrassera pas de détails et créera à partir de rien -"out of thin air"- la monnaie électronique ou les billets dont les banques auront besoin pour ne pas se déclarer en cessation de paiement. Mais comme aux USA, cette masse de "vraie fausse monnaie" pourrait ne pas provoquer de surcroît d'inflation. La question est de savoir quelle est la proportion de ménages à bon pouvoir d'achat qui devront se désendetter, et dont l'épargne aura été siphonnée dans de mauvais placements par une clique bien connectée à l'état. Quelle sera la balance entre tensions inflationnistes et déflationnistes en Chine ? Quelles conséquence cette bulle aura-t-elle sur l'entreprenariat local ? Le retournement créera-t-il des tensions sociales et politiques ?
En Chine moins qu'ailleurs, faire des prévisions depuis un ordinateur de France est impossible, tant l'information qui nous arrive de ce pays semble biaisée.
Plus ça va et plus l'économie Chinoise prend au moins partiellement des allures de village Potemkine immobilier. Cela n'enlève rien au potentiel à long terme du pays, mais à court terme, il faut s'attendre à une correction marquée, quand bien même l'état central tentera de la dissimuler.
Cela aura-t-il une influence déterminante sur le reste du monde ? Sans doute. Le made in China devrait rester intrinsèquement très bon marché. Quant au Yuan, rien ne dit, au final, qu'il soit aussi sous-évalué qu'on le dit. Par conséquent, les tensions politiques protectionnistes dirigées contre la Chine risquent de s'accroître, mais tant qu'elles resteront d'application limitée, le formidable amortisseur d'inflation asiatique restera pleinement fonctionnel.
Reste à savoir quand le retournement immobilier aura lieu, et quel événement en sera la catalyseur. Mais aucune boule de cristal ne saurait le dire avec précision...
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Bonjour Vincent,
en complément de votre article, je suggère d'écouter Natacha Valla, chef économiste chez Goldman Sachs, au sujet de la Chine.
Ce qui me paraît intéressant n'est pas tant ce qu'elle annonce que le fait que Goldman la fasse parler maintenant et de cette manière. Je sais, cette façon de présenter les choses peut laisser penser que je ne leur fait pas confiance outre mesure en termes de déontologie mais une pleine confiance en termes de recherche de l'efficacité.
Cordialement.
http://www.radiobfm.com/edito/info/63902/natacha-valla-la-chine-pourrait-finir-lannee-avec-une-croissance-a-deux-chiffres-/
Rédigé par : simple citoyen | samedi 10 avril 2010 à 03h49
à 144$, Goldman annonçait le pétrole à 200... Ils ne sont pas infaillibles.
Je maintiens mon pronostic: "correction marquée".
Rédigé par : vincent | samedi 10 avril 2010 à 13h47
Cher Vincent,
votre commentaire me fait penser que je me suis mal exprimé: c'est le fait que Goldman pousse à la roue qui me fait penser justement que vous avez raison.
A 144$, Goldman était-il acheteur? Avait-il ou était-il déjà en train de liquider ses positions?
Quand j'entend un de ses éminents représentants dire que la Chine pourrait finir l'année avec une croissance à deux chiffres, je ne pense pas que le terme ait nécessairement une importance. Ce qui compte c'est à mon sens d'une part qu'une telle assertion est donnée au conditionnel (bien sûr), qu'elle a de fortes chances de se réaliser (ne serait-ce parceque la Chine doit l'annoncer pour ne pas perdre la face, et que la fiabilité de ses statistiques est douteuse, il suffit de se souvenir des écart de plus de 10% entre les chiffres régionaux compilés et ceux de l'état central), mais le plus important c'est que le terme concerné par votre inquiétude n'est pas celui de 2010 probablement, mais 2011/2013, en particuliers si l'on tient compte du coup de frein actuel au crédit intérieur.
Dernier point: tout le monde a intérêt à faire croire, si ce n'était pas le cas, que la CHine est en pleine expansion. Les économies occidentales qui n'ayant pas de relais de croissance et sachant l'importance du facteur psychologique, ne peuvent se permettre de "refroidir" l'atmosphère en annonçant que finalement ceux qui leur ont coûté tant d'emplois ne seront pas les clients de remplacement de leurs économies ralenties. Les états qui louchent sur les réserves de change. Il n'est d'ailleurs pas innocent d'avoir entendu à plusieurs reprises que les fonds chinois rachetaient du papier grec ou italien. Certes, mais au final, c'est vers les fonds US que la Grèce s'est tournée symboliquement. Symboliquement car aux taux proposés, elle eut vite fait de perdre la marge de manoeuvre qu'elle y eut gagnée.
Je crois donc, bein comme vous si je lis entre les lignes, que nous nous dirigeons vers ce que les auteurs de best-sellers stratégiques anglo-saxons appellent: "the end game"...
Car la route à venir sera dure si le moteur chinois venait à tousser comme nous l'anticipons: impossibilité de faire face aux problèmes de l'immobilier commercial US et son financement aussi ésotérique que celui des sub-primes, super-endêtement de tous les étages du mille-feuille européen (il suffit de voir la notation des villes, agglomérations et régions d'europe de l'est, de France, d'Espagne) qui ont emprunté des sommes absolument colossales au regard de leurs assiettes fiscales réelles...
Sans parler du grand retour dans certains pays comme le nôtre, du populisme étatiste qui ne sait pas réduire les dépenses, mais achète une paix sociale illusoire à coup d'engagements irresponsables et coûteux.
Rédigé par : simple citoyen | lundi 12 avril 2010 à 08h01