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lundi 24 mai 2010

Commentaires

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ST

Pour l'histoire des maisons adjugées à 100$, est ce que ce n'est pas la banque qui a justement racheté la maison à l'enchère initiale de 100$, personne n'ayant voulu jouer la course aux enchères avec la banque qui n'aurait pas laissé partir la maison à une valeur trop basse (tant qu'elle achète la maison à une valeur inférieure à l'argent qui lui est du, de toute façon ça ne lui coute rien). Du coup, faute d'enchérisseur, la maison part à 100$. L'ancien propriétaire doit toujours à la banque ses 300 000 $ d'emprunt, moins les 100$ que la vente a rapporté, mais finalement ça ne change rien : que la maison soit parti à 100$ ou 100 000$, le reste de l'argent du le conduit de toute façon à la faillite personnelle et à l'effacement de ses dettes (avec toutes les conséquences qu'un faillite personnelle peut avoir bien entendu). La banque de son côté préfère récupérer la maison et prendre le temps de la vendre hors enchère, plutôt que de récupérer 50 000$ ou 100 000$ tout de suite dans une vente précipitée dans un marché dégonflé.

L'article du WSJ est par contre édifiant en décortiquant la manoeuvre Goldman / Paulson. D'après ce que j'ai compris (Vincent me corrigera), l'outil financier qu'ils ont créé n'était même pas une vrais assurance : Abacus n'a pas réellement acheté des emprunts pourris sur lesquels ils ont pris une assurance. Ils ont conçu un véhicule financier adossé aux résultats d'un ensemble de prêts qu'ils ne possèdent pas, qui appartiennent à d'autres. Ce n'est pas véritablement une assurance, plus un système de pari, comme sur les sites en ligne où vous pouvez parier sur le vainqueur de la prochaine coupe du monde. Ici, Paulson et Sachs ont créé un pari du type : vous souscrivez à mon contrat, et tant que l'ensemble de prêts X et Y qui sont actuellement vendus sous forme titrisé sur les marchés ont un rendement positif, nous vous versons une certaine somme tous les mois, pendant toute la durée du prêt. Mais si un jours ces prêts font défauts, vous me devez une très grosse somme. Ensuite Paulson et Sachs ont mené une étude très minitieuse des différents pools de prêts titrisés pour identifier les plus pourris, ceux qui ne pourraient pas durer, et c'est sur ceux là qu'ils ont adossés leur contrat. Ils ont bien détaillé dans un document énorme les prêts en question (c'est pour ca qu'ils sont confiants sur les suites judiciaires, ils ont été transparents), et ont parié sur le fait que ceux qui achèteraient leur contrat, n'iraient pas regarder le contenu avec la même minutie qu'eux. Et ils ont eu raison. Le pire dans tout ca, c'est que ce sont par exemple des banques allemandes qui ont plongé dans la manoeuvre, et que lorsqu'il a fallu payer, les banques ont été renflouées par le contribuable allemand. Qui ont donc payé pour cette erreur. Et le pire du pire, c'est que cet argent n'est même pas allé pour rembourser les pertes de ceux qui avaient prêté de l'argent pour acheter les maisons, car le contrat n'était pas une assurance dont l'argent reviendrait à ceux qui ont fait un mauvais placement mais se serait couvert par un mécanisme d'assurance. Le contrait était un pari, sur l'évolution de prêts que ni Paulson ni Goldman Sachs n'avaient en leur possession. Ce n'est pas de la finance, c'est du casino. Il n'y a aucune création de valeur ici, juste un jeu à somme nulle entre deux institutions financières : pile je gagne, perd tu gagnes.

Si paulson / goldman sont reprochables, ceux qui ont investis avec eux le sont également. Il faut bien voir qu'ils sont entrés dans le contrat en pensant que Paulson était un idiot et qu'ils allaient lui prendre son argent. Que des banques se soient livrer à ce genre de jeu est tout simplement hallucinant. Qu'elles aient été renflouées par le contribuable l'est encore plus.

Dernier point : tout ça n'a rien à voir de près ou de loin avec le capitalisme. Il n'y a pas de capital ici, pas d'investissement. Ce n'est pas plus du capitalisme que jouer au casino. Car il n'y a aucune création de valeur in fine.

vincent

Non ST, je ne te corrigerai pas. J'ai mis du temps à comprendre tous les détails (il faut être tordu, quand même, pour monter des coups pareils) mais il semble qu'effectivement Abacus ne possédait rien. Une sorte de Tracker...

Je pense que dans un monde normal, dans le cas des banques qui sont allées à la table de black jack, la responsabilité personnelle des dirigeants devrait pouvoir être engagée. Mais je doute que le droit tel qu'il est écrit le permette.

Lire à ce sujet la très intéressante contribution de Patrick Madrolle Chez Turgot, pour le cas français.
http://blog.turgot.org/index.php?post/Madrolle-SARF

ST

Je rebondis sur le sujet : effectivement, Vincent et moi avions bien lu et bien compris la même chose.

On trouve un commentaire très intéressant de Karl Denninger sur ces mêmes principes. Je conseille ceux qui sont intéressé par le sujet et le lire au moins 2 fois pour bien comprendre.

http://market-ticker.org/archives/2348-Lets-Make-Murder-Illegal!.html

Il y compare le naked short selling (jouer un titre à la baisse en l'empruntant = "short selling", mais sans l'emprunter, d'où le "naked"), avec les side bets, qui sont des paris en bonne et du forme adossé à la performance de titres réels (c'est ce dont on parlait dans l'article du WSJ).

Il indique que le naked short selling est illégal mais apparemment pratiqué, puisque le gouvernement allemande juge utile de le rendre "encore plus" illégal. Les side bets eux n'ont rien d'illégal en eux mêmes, mais Denninger dénonce le fait qu'ils puissent être contractés par des banques adossées au système monétaire d'un gouvernement. Je résume son argument autrement, en tout cas comme je l'ai compris : en pratiquant ce genre de contrats, les banques n'ont pas besoin d'avoir de contreparties à l'argent qu'elles engagent. Il n'y a pas de "collaterals" dans ces engagements contractuels. Denninger compare cela a un chèque en blanc, c'est à dire la création d'une note de crédit qui n'a pas de contrepartie réelle. Le résultat, c'est que lorsque le pari est perdu, c'est le gouvernement qui rembourse, comme cela s'est passé avec l'affaire Paulson/Goldman et la banque allemande qui a mordue la poussière.

Vincent Poncet

Aux US, les prêts immobiliers sont généralement non-recourse, càd que si tu ne payes pas, la banque te saisit la maison, et tu ne dois plus rien.
En France, la dette est toujours due, et si la vente de ta maison ne rembourse pas la totalité du capital restant dû, tu as encore une dette à la banque pour le solde.
C'est pour cela qu'il y a un gros mouvements aux US dit de "walk away", càd partir de la maison, l'abandonner, parce que si la valeur de marché de la maison est inférieure au capital restant dû et que la dette ne te suit pas, il devient rationel d'abandonner la maison.


Le montage GS/Paulson n'était pas une titrisation cash, mais une titrisation synthétique.
Dans une titrisation cash, le véhicule possède les créances en tant qu'actifs. Dans une titrisation synthétique, on met en place un CDS sur le portefeuille de créance et on trouve deux agents qui veulent prendre les deux côtés du pari sur la tenue du portefeuille de créance. Comme on a un CDS sur quelque chose d'unique, il n'a pas de prix de marché, et c'est donc le structureur (GS en l'occurrence) qui établit le prix du montage et donc qui doit payer à qui en fonction d'un modèle sur la base des prix des sous-jacents si ils existent ou sur des actifs de nature proche.
En gros, un package CDS sur une dette+ des bonds sans risque a un comportement proche du titre de dette. Cela permet de répliquer des dettes, d'où le terme de synthétique. C'est purement du pari.
Quand on a compris ce qu'est une titrisation sythétique, je ne vois pas comment on peut dire que les investisseurs du "mauvais" côté du deal GS/Paulson ont pu dire qu'ils ne savaient pas qu'il y avait quelqu'un qui jouait contre. Un deal synthétique, c'est par définition, il y a quelqu'un qui joue long, l'autre qui joue short.
Voici quelques pointeurs sur le montage Abacus
http://www.aleablog.com/abacus-for-dummies/
http://www.bionicturtle.com/learn/article/...re_illustrated/
http://sandrew.tumblr.com/post/543690974/r...abacus-timeline
http://www.interfluidity.com/v2/814.html
http://www.law.stanford.edu/display/images...ll%20Duffie.pdf
c'est très compliqué, ça serait un partially-funded synthetic CDO de RMBS et encore c'est ptet encore pire que ça :D


Sur le naked short, dans un marché qui se veux au comptant, vendre quelque chose que l'on n'a pas ou que l'on n'a pas loué auparavant consiste à vendre un titre virtuel qui entre en circulation le temps que le naked short seller cloture sa position. C'est de la fraude.
J'ai lu sur des sites dont j'ai oublié le nom que ce phénomène serait même tellement répandu qu'il y aurait déjà eu des AGs d'entreprises avec plus de votants que le nombre d'actions officielles.

Cela n'est pas du tout comparable avec un deal dérivé qui est bien un engagement.
La banque et la finance ne font plus la différence entre propriété et engagement.
Les marchés de titres sont tout aussi fiat que ne l'est la banque et la monnaie.

ST

@Vincent Poncet

Absolument. Et merci pour ces infos complémentaires.

La Finance est un aspect essentiel du capitalisme, dans la mesure ou l'industrie financière rassemble tous les mécanismes qui vont permettre la meilleure allocation possible du capital (l'épargne) en fonction des besoins d'investissements des entrepreneurs (marché des actions, crédit etc etc.). Mais aujourd'hui, on découvre une finance SANS CAPITAL : fiat money, crédit non appuyé par de l'épargne, titres sans actif sous jacent, naked short selling, side bets etc... Il n'y a pas de capitalisme sans capital. C'est bien pour cela que ces dérives n'ont rien à voir avec le capitalisme et qu'elles partagent toutes d'une seule et même logique : la tromperie. Depuis la monnaie papier des banques centrales inflationnistes jusqu'aux montages de Goldman Sachs, l'économie mondiale fonctionne sur des mensonges. Rétablir une économie saine du capital est la première pierre de la reconstruction post-crise. Malheureusement, on en est pas encore à cette étape. Il va falloir d'abord assumer les conséquences de ces fraudes.

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