A l'appui de mon plaidoyer
anti-stimulus et pro-rigueur de lundi dernier, une étude du Cato Institute
s'intéresse à la période 1945-1947 aux USA (Taylor et Vedder, PDF, présentation Html). A tout
prendre, l'économie n'était guère plus florissante que maintenant. La
guerre avait augmenté la dette du pays à des niveaux encore supérieurs à
ce qu'ils sont aujourd'hui, de 50% avant guerre à 120% du PIB après, et
la démobilisation générale allait rendre à la vie civile plusieurs millions de militaires, laissant craindre une remontée stratosphérique des taux de chômage. Entre 1943 et 1945, les déficits courants de
l'état US avaient atteints jusqu'à 27% du PIB. Naturellement, dès la fin
des hostilités, il apparut clairement que des réductions drastiques de
dépenses étaient indispensables pour ne pas aller dans le mur.
L'administration
Truman décida de s'engager dans le plus vaste plan de réduction des
dépenses publiques jamais entrepris: les dépenses passèrent de 84
milliards à... 30 milliards de dollars (de l'époque) en deux ans. Deux tiers de
réduction ! En outre, il acheva de faire sauter presque toutes les
dispositions réglementant le marché du travail établies par son ex
patron, Franklin D. Roosevelt (dont il était le vice président), dont vous trouverez la liste
ici.
Ce qui est frappant, est
que comme aujourd'hui, en 1945, tous les commentateurs prévoyaient un
retour de la grande dépression. "La baisse des dépenses publiques allait
casser la croissance", entendait on partout. Pour parler comme
aujourd'hui, "il y avait consensus scientifique" sur la question.
La
réalité a totalement déjoué ce pronostic: l'économie à recréé 4
millions de postes de travail en deux ans, permettant de maintenir la
légère hausse du chômage liée à la démobilisation, à 4,5% de la
population active au maximum. Le gouvernement fédéral a enchainé des
excédents budgétaires de 6% du PIB, permettant de rembourser le trop
plein de dettes en un temps record. Et surtout, tant la dépense des
ménages que celle des investisseurs privés se mit à croître.
La
période 1945-1947 correspond sans doute à la plus forte coupe budgétaire
subie par un état dans l'histoire de l'humanité. Alors que toute la
classe politico-économique de l'époque y voyait une menace, ce fut au
contraire le catalyseur de la formidable ascension de l'économie
américaine après la guerre. Cette période est sans doute la meilleure
illustration par le contre-exemple de l'effet d'éviction de
l'investissement privé par la dépense publique.
Et, non, "It's not different this time".
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Etude
Cato trouvée via Alex Korbel - Blog récent
et déjà parmi les tous meilleurs
Lire également :
- Le new deal a prolongé la crise de 1929
- Contes et légendes de l'économie Keynesienne: "la rigueur pourrait casser la croissance"
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Vous avez aussi Premier's Plan (Australie) versus New Deal.
EN 1932 le chômage en Australie est à 23% et aux USA à 23,6%.
En 1938 on a 8,9% en Australie et 19% aux USA.
A strategy adopted in June 1931 by Australia's Scullin government to reduce interest rates and cut expenditure by 20 per cent, partly through slashing public-sector wages. The objective was to reduce Australia's huge budget deficit problems. Australia had to get its books in order if the country was to continue to get overseas finance. Devaluation had already been forced and increased tariffs tried. The rationale behind the Premiers' Plan was to revive business confidence. The plan was welcomed as an example of creative economic planning; Douglas Copland claimed it was 'a judicious mixture of inflation and deflation'. Later it was criticised as overly deflationary.
http://www.anz.com/edna/dictionary.asp?action=content&content=premiers_plan
Rédigé par : bibi33 | lundi 07 juin 2010 à 17h45
Oui mais, après guerre aux usa les dépenses incompressibles (mandatory expanditures) étaient très faibles (40 % du budget peut-être). Par contre c'est probablement le pécule amassé par les GI's ainsi qu'un programme d'éducation en leur faveur qui a levé une vague bienfaitrice de petits et moyens business qui ont prospéré juste au moment ou un rattrapage de consommation était souhaité. Bref avec une natalité au beau fixe un cumul d'éléments favorables qu'il n'est pas rationnel d'attribuer à aucune idéologie économique.
Rédigé par : Bernique | lundi 07 juin 2010 à 21h26
@Bernique
1- Vincent montre bien combien les économistes à l'époque pensaient qu'un tel plan serait suicidaire.
2- Vincent avait bien anticipé ce genre de critique faisant valoir que "c'est différent aujourd'hui"
Aussi je vous retourne vos arguments. D'abord, je ne sais pas ce que sont des dépenses incompressibles. Toutes les dépenses sont compressibles. Si on peut dépenser pour une chose, on peut aussi ne pas dépenser pour cette chose. Ca s'appelle faire un choix. Ensuite, il faut arrêter de regarder le revenu et se concentrer sur la production : ne regardez tous les revenus qui ne seront pas versés à des gens qui ne produisent pas grand chose aujourd'hui (ou en tout cas pas grand chose que d'autres sont prêts à acheter, autrement dit pas grand chose d'utile), et imaginer tout ce à quoi ils vont pouvoir être affecté pour produire des choses utiles, que les gens seront prêt à payer. On ne s'est jamais enrichi à creuser et boucher des trous. C'est un mythe. Alors si vous arrêter de payer des gens à être inutile, peut être qu'ils pourront enfin trouver une activité productive. C'est ça le secret de la relance par la baisse des dépenses publiques.
Rédigé par : ST | lundi 07 juin 2010 à 23h17