Je vous ai régulièrement informés des embarras des banques US d'abord avec leur système d'enregistrement électronique des hypothèques, le "MERS", considéré comme insuffisamment fiable par un nombre croissante de tribunaux (MERS (1), MERS (2)). Depuis, ces embarras semblent se transformer en véritable bourbier judiciaire, que j'ai qualifié de foreclosure-gate, avec ma sale habitude de voir des scandales partout (climategate...).
Les nouveaux développements de l'affaire ne laissent plus guère de doute: son impact financier sera important.
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La multiplication de ces affaires donnent du crédit à la thèse de Karl Denninger pour qui l'inflation galopante de la dette n'est pas le résultat d'une faillite du capitalisme, mais celui d'un certain nombre de fraudes. C'est intéressant, parce la justice est au coeur des concepts libéraux, alors que la croissance de l'Etat conduit à donner aux objectifs politiques un ascendant sur le concept plus neutre de justice. Aussi on a remplacé l'application de la loi, de l'esprit de la loi, par des réglementations tatillonnent et surnuméraires, sensées être mises en oeuvre par des instances de régulation. Et c'est d'ailleurs la même solution à la crise qu'on nous repromet encore : plus de régulation, de nouvelles instances de contrôle. Or ce qui manque, c'est la sanction simple et claire de la loi quand elle est violée dans son esprit.
La réglementation ne freine pas la fraude : la réglementation est au contraire le meilleur environnement dans lequel la fraude peut s'épanouir. Un exemple récent auquel j'ai été confronté et qui n'a rien a voir avec le monde de la finance ? Quand vous achetez un billet d'avion, vous vous engagé dans un contrat : vous donnez de l'argent (généralement par avance, et très souvent sans possibilité de vous désengager sans lourde pénalité), et la compagnie vous doit un vol, dans les conditions, notamment d'horaires, mentionnées. Parfois, pour des causes extérieures compréhensibles, une compagnie n'est pas en mesure de remplir correctement sa part du contrat : il est admis que lorsque la responsabilité est extérieure, si la compagnie à fait tout son possible pour respecter au mieux sa part du contrat, sa responsabilité n'est pas engagée dans des indemnités supplémentaires. Mais devant la multiplication des abus de compagnies aériennes, on a voulu légiférer, et un réglement européen, au motif de la défense du consommateur lésé, à précisé les conditions dans lesquelles les compagnies devraient désormais indemnisé de manière forfaitaire et sans discussion ses clients. Cette réglementation européenne stipule donc qu'une annulation de vol à moins de 14 jours du départ, si elle n'est pas remplacée par un autre vol permettant d'arriver à moins de x heures des horaires initialement prévus, donne lieu a une indemnisation forfaitaire automatique sévère (jusqu'à 600 € par billet). Conséquence non anticipée (merci Vincent) de cette réglementation : l'annulation du vol à plus de 14 jours du départ n'est pas indemnisée. Et certaines compagnies de s'engouffrer dans la brèche en ouvrant par exemple à la réservation plus de vols qu'elles ne sont capables de faire voler (plus de dates, plus d'horaires, donc plus de chance de vendre des billets), puis avant la date fatidique des 14 jours, les compagnies annulent un vol sur deux, en regroupant les clients sur un nombre plus limités de vols qui seront eux bien pleins. Evidemment la compagnie se garde bien de dire 'annulation' et parle de changement d'horaire, et si le client mécontent du non respect de son contrat rale, elle lui sort la dite réglementation qui stipule que les indemnités ne sont que pour des annulations à moins de 14 jours. En l'absence de réglementation, le client pourrait se retourner contre la compagnie sur la seule fois de son contrat, mais comme il y a désormais une réglementation (et pléthore de réglementation en l'occurence), on lui opposera toujours un "oui mais le réglement xxx.xxx dit que etc...". Toutes les tentatives pour limiter la fraude au moyen de réglementations conduisent à ces dérives et quelque part encouragent la fraude légale (fraude car on essaie bien de gruger l'une des parties, légales parce que respectant la lettre de la réglementation). La réglementation encourage le respect de la lettre de la loi (et de la réglementation pléthorique), validé par un organisme régulateur quelconque, au lieu du respect de l'esprit de la loi, tranché par un tribunal.
Pour en revenir au sujet : le capitalisme libéral suppose pour fonctionner le respect du contrat et de la loi (comprise comme un ensemble limité et cohérent de principes), une société de confiance et l'honnêteté des parties en présence, et une justice implacable. La multiplication de la réglementation, de la régulation, conduit au contraire à une société de la défiance, des contrats de 250 pages en petits caractères, et à la multiplication de la fraude qui mine les relations contractuelles saines entre les individus.
Rédigé par : ST | vendredi 01 octobre 2010 à 12h57
Excellente analyse, le coup de la propriété non traçable met vraiment le doigt où ça coince !
J'aimerais soumettre à votre sagacité une chose étrange dont je viens de prendre conscience... Depuis 2 ans on assiste à une valse massive de retours de véhicules...
Toyota : http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/02/09/toyota-rappelle-400-000-voitures-hybrides-au-garage_1302984_3234.html
BMW / Rolls : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/economie/20101001.REU0517/plus-de-350-000-bmw-et-rolls-rappelees-le-freinage-en-cause.html
General Motors : http://www.autodeclics.com/economie/29392-usa_rappel_de_voitures_pour_proteger_les_passagers_sans_ceinture.html
etc etc etc...
Or ces entreprises sont il me semble quasiment toutes "renflouées" par l'argent public provenant des Banques Centrales, via les Etats...
J'aimerais bien qu'on m'explique ce "loup"... Je suis parano ou quoi ?
Rédigé par : Galuel | vendredi 01 octobre 2010 à 13h38
C’est quand même quelques choses ! Un je m’en foutisme général ! Prends un max de pognon avant d’être viré ! Voilà ce qui arrive quand il n’y a plus aucune confiance entre l’entreprise et son salarié. Le culte du résultat individuel annuel est une bêtise !
Le résultat c’est que des millions de maisons vont être invendables pendant des années ajoutant une grosse incertitude au bordel général.
Un mauvais arrangement valant mieux qu’un bon procès, il faudrait un accord général rapide du type : 50/50. La banque abandonne la moitié de sa créance mais le propriétaire reconnaît 50% de la somme restante. Des pertes énormes en perspective mais c’est mieux qu’un chaos général.
Rédigé par : JB7756 | samedi 02 octobre 2010 à 10h59
@ JB: le problème n'est pas tant le montant de la créance que la détermination de l'ayant droit. Pour passer un accord 50/50, il faut savoir avec qui ! Et comme le "mortgage mess" peut parfois donner aux propriétaires défaillants un espoir de... Garder leur maison, pourquoi accepteraient ils un accord 50/50 ?
la situation est encore pire que tout ce que l'on pouvait imaginer il y a encore un an.
Ceci dit, pour ce qui est de la mentalité "prend l'oseille et tire toi avant que le toit tombe sur ta tête", vous avez cent fois raison. Le problème numéro un de cette crise est celui d'une disparition totale de l'état de droit, au sens premier du terme, de la fin de la responsabilité individuelle institutionnalisée.
Je ne suis même plus pessimiste: le mot est faible...
Rédigé par : vincent | samedi 02 octobre 2010 à 14h07
@vincent
> Le problème numéro un de cette crise est
> celui d'une disparition totale de l'état de
> droit, au sens premier du terme, de la fin de
> la responsabilité individuelle institutionnalisée.
Absolument. C'est le point le plus essentiel et le moins compris. Et c'est l'Etat Providence qui a miné petit à petit l'Etat de Droit, et les valeurs qui le sous-tendent.
Rédigé par : ST | samedi 02 octobre 2010 à 15h03
Dans l’économie des « trente glorieuses » on pouvait espérer un emploi à vie dans une grosse boite. Maintenant c’est souvent fini autant pour des raisons technologiques (suppression ou changement d’emplois) qu’idéologiques (le culte de la performance individuelle immédiate, management au stress). Cette instabilité rompt le lien de loyauté vis à vis du patron. Donc on en a plus rien à cirer de son boulot, on devient un mercenaire.
Cela dit certaines entreprises comme Microsoft chouchoutent leur salariés. Les informaticiens pouvant facilement et discrètement mettre des merdes dans un code, leur loyauté est essentielle. Souvent les boites aux produits de mauvaises qualités ont des ambiances de travail merdique (Renault ?).
Rédigé par : JB7756 | samedi 02 octobre 2010 à 17h30
à ST : et "l'état providence", c'est de la génération spontanée je suppose ?
Rédigé par : Bernique | samedi 02 octobre 2010 à 21h47
@JB
> Dans l’économie des « trente glorieuses » on
> pouvait espérer un emploi à vie dans une
> grosse boite
était ce pour autant une bonne chose (un emploi à vie comme une grosse boite) ?
> Cette instabilité rompt le lien de loyauté
> vis à vis du patron.
Personnellement, je suis assez mal à l'aise avec ces concepts. Je suis un fervent partisan du travail bien fait, du respect du contrat. Mais je tiens aussi et surtout à ce qu'on se rappelle que la relation et bien cela, une relation contractuelle, et pas autre chose. La loyauté, c'est plus un concept de société féodale ou de caste.
En fait, c'est le concept même du salariat moderne qui ne m'enchante guère, aussi faire du salariat à vie dans une grosse boite un modèle ne m'enchante guère. J'aimerai au contraire que la relation salariale s'estompe progressivement pour faire de chacun un travailleur indépendant.
> Cela dit certaines entreprises comme
> Microsoft chouchoutent leur salariés
leurs salariés les plus performants qui sont le plus susceptible de partir d'eux même. Les moins performants sont remerciés chaque année, ce qui ne me choque pas outre mesure, mais qui ne colle pas forcément avec l'image que vous semblez en avoir.
> Les informaticiens pouvant facilement et
> discrètement mettre des merdes dans un code,
> leur loyauté est essentielle
Oui, voilà, c'est exactement ça qui me chiffonnait un peu plus haut. Les employés ne devraient pas "mettre des merdes dans un code", parce qu'ils devraient être honnêtes, pas parce qu'il sont chouchoutés par leur employeur.
@Bernique
> et "l'état providence", c'est de la
> génération spontanée je suppose ?
heu, désolé, mais j'ai pas bien compris la remarque. Vous pouvez développer ?
Rédigé par : ST | samedi 02 octobre 2010 à 22h15
@ST
> Oui, voilà, c'est exactement ça qui me chiffonnait un peu plus
> haut. Les employés ne devraient pas "mettre des merdes dans
> un code", parce qu'ils devraient être honnêtes, pas parce
> qu'il sont chouchoutés par leur employeur.
Et oui mais la nature humaine est ainsi. Voir l’étude sur le taux de malhonnêtes dans les sociétés humaines (l’histoire des beignets en vente libre) et semble t’il croissant vers le haut de l’échelle.
Dans une organisation il faut toujours tenir compte des vices et des travers humains (malhonnêtes, incompétence non avouée, bêtise, paresse…). Si les gens étaient honnêtes l’URSS existerait encore (ou n’aurait jamais existé).
Rédigé par : JB7756 | mardi 05 octobre 2010 à 11h23