Quelques brèves, dont mes dernières chroniques sur Ob'eco:
* Bank Of America: 375 milliards de risques liés au foreclosure gate (VB Sur Objectif eco) - Dans un document réglementaire remis à la SEC, Bank Of America a reconnus que les demandes de rachats de titres de MBS possiblement frelatés -émis principalement par ses filiales Countrywide et Merill Lynch avant la crise- totalisaient 375 milliards de dollars. Naturellement, toutes les demandes n'aboutiront pas à une satisfaction totale en justice, mais rien que la défense de ses positions devant la justice coûtera une fortune à la banque.
* Tableau des risques de pertes bancaires US liées au Foreclosuregate (VB, Objectif Eco) - première liste de pertes possibles avec des fourchettes très imprécises à ce stade. La plupart de ces pertes seront encaissées par les "Big Five" (Bank Of America, Wells Fargo, JP Morgan, Citigroup, Ally/GMAC). Fourchette basse: 300 Mds de dollars. Fourchette haute : plus de 1000 Mds. Tout ceci à étaler sur plusieurs années. Et évidemment, une grande inconnue: "bailout, ou pas bailout" ?
* Stiglitz: "pas de reprise tant que l'état de droit n'aura pas repris le dessus" (Daily Finance)- Pour une fois, je ne peux qu'abonder dans le sens du prix Nobel 2001, avec lequel je ne suis généralement pas tendre (exemple)...
Il n'en parle pas, mais il fait sans doute allusion à la condamnation par transaction incroyablement clémente d'Angelo Mozilo, après l'amende très douce infligée à Goldman Sachs pour l'affaire Abacus, amendes représentant moins de 20% des sommes engrangées grâce à des escroqueries avérées.
J'acquiesse ici encore. Le Foreclosuregate est assurément la crise du "capitalisme de prédation", profitant de la faiblesse voire de la complicité de l'état régalien pour régaler une clique dirigeante au détriment de tous les autres contractants de leurs entreprises, salariés ordinaires, actionnaires, fournisseurs, clients, etc... Stiglitz estime que des peines de prison significatives contre tous les décideurs fautifs doivent être prononcées, sans quoi, ce qui est en jeu, c'est la confiance dans le système dans son ensemble.
Rien à rajouter. Certes, je suppose qu'au moment de passer aux solutions, je serai à nouveau en désaccord, mais sur le diagnostic, je ne puis qu'abonder: la liberté ne doit pas être celle du renard libre dans le poulailler, mais du renard sachant qu'en cas de violence sur les poules, le fermier l'arrosera de chevrotines. Voir également "le rôle oublié de l'état régalien" et "Le F-Gate, conséquence du dirigisme social de l'état US"
* Ackerlof et Romer : "les sauvetages bancaires sont le coeur du problème" (New york Times) - Le (pas encore, à l'époque) prix Nobel George Ackerlof et Paul Romer ont écrit en 1993 un papier simplement intitulé "pillage", qui montrait comment la promesse d'un sauvetage public, du petit épargnant à la grande banque, créait une véritable économie financière de l'incitation au pillage bancaire par ses dirigeants. Le lien conduit vers un résumé du papier par le New York Times. Les auteurs, tout en disséquant la logique du pillage opéré par les caisses d'épargne dans les années 80, ont prophétisé que faute de réhabilitation de l'état régalien, la prochaine crise majeure serait encore provoquée par cette économie du pillage. Et de prédire que les produits dérivés, en cours de création, seraient la cible idéal de cette économie du pillage.
* Grosse Class action lancée contre GMAC par plusieurs cabinets d'avocats, dont un gros cabinet d'avocats de Washington semble-t-il spécialisé dans ce genre d'action (PDF 127 pages) - La class action semble particulièrement centrée sur les agissements de GMAC en Floride, état où elle est lancée, mais semble destinée à être conduite au niveau fédéral (les subtilités du droit américain ne sont pas très claires de mon fauteuil) et espère réunir rapidement plus de 100 000 plaignants. Parmi les chefs d'accusation, citons la violation des droits constitutionnels, des pratiques commerciales frauduleuses, et la présentation de faux et usages de faux lors des procédures d'éviction.
* 4,3 millions de prêts en grand retard ou en forclusion - Selon la firme LPS, qui est au centre du Foreclosuregate, mais qui est avant tout le principal prestataire de service informatique du MERS et des banques affiliées, 4,3 millions de prêts hypothécaires sont soit en retard de plus de 90 jours soit en cours de forclusion. Naturellement, cela ne compte pas les faillites déjà soldées. Et il faut ajouter 2,7 millions de prêts en retard de moins de 90 jours. Toute la question est de savoir si le foreclosuregate va significativement augmenter l'incitation au défaut de paiement stratégique.
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Ah, et enfin, je viens de créer un dossier "foreclosuregate" reprenant mes synthèses sur Objectif Eco, à l'instar de ce que j'avais fait pour le changement climatique ou l'acte 1 de la crise, dossier que je mettrai à jour régulièrement.
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Les USA sont dans une situation catastrophique.
Le QE2 est soit disant fait pour relancer l’économie. En fait cela devient très clair, le QE est là pour éviter le défaut : les USA sont en faillite tout comme la Grèce ! D’ailleurs les chinois n’achètent plus leur dette.
Donc dettes énormes, faillite des finances publiques, économie en crise, institutions paralysées, élites corrompues : les USA sont vraiment dans une merde noire. Et contrairement à la GB ils n’ont pas pris encore les mesures pour s’en sortir. Seul le secteur privé – hors banques - fonctionne apparemment encore correctement.
Rédigé par : JB7756 | mardi 09 novembre 2010 à 11h13
Pour compléter votre analyse sur Objectif Eco (pas possible de poster des commentaires là bas, ou alors, je n'ai pas assez cherché) est l'histoire du fonds Magnetar et de ses pratiques tout à fait innovantes en terme de CDO :
http://www.propublica.org/article/the-magnetar-trade-how-one-hedge-fund-helped-keep-the-housing-bubble-going
Rédigé par : Joe | mardi 09 novembre 2010 à 11h24
@JB7756
> Les USA sont dans une situation catastrophique
Vous pouvez élargir à l’Europe et l'essentiel du monde occidental. Nos problèmes de fond sont assez similaires. Il n'y que dans les modalités que nous différons. Mais c'est secondaire.
> le QE est là pour éviter le défaut
Pour le repousser un peu. C'est pas très différents de nos gesticulations avec la Grèce, le camouflage des comptes par la BCE, le mensonge généralisé sur l'Etat des finances publiques et les bilans des banques. Et ici aussi ces gesticulations sont là pour repousser encore un peu le problème.
Pour en revenir à l'article : ces derniers rebondissements vont enfin permettre aux libéraux de démontrer que leur analyse n'est pas uniquement économique in fine, et que leurs préconisations économiques sont indissociables d'une philosophie du droit, d'un rapport au pouvoir, à la loi, à la justice. Les recettes économiques des libéraux sans les structures d'un Etat de Droit résolu et efficace conduisent au désastre. Et c'est la dérive de l'Etat Providence qui a sapé les fondements de nos Etats de Droit. En démantelant l'Etat Providence, on pourra rebâtir un véritable Etat de Droit dans lequel les transactions économiques libres et honnêtes engendreront la prospérité.
On redécouvrira alors que le libéralisme n'est pas une doctrine des élites dans l'intérêts des plus riches, mais une doctrine de justice dans l'intérêt de tous.
Rédigé par : ST | mardi 09 novembre 2010 à 16h25
@ Joe: l'article de Pro publica souligne le problème du droit hypertrophié: il est possible, selon l'article de propublica, que le montage magnetar soit légal.
Or, il y a manifestement fraude, sans avoir besoin de se plonger dans un livre de droit. Placer dans une MBS des prêts pourris, puis prendre auprès d'une assurance de multiples "bets" contre la MBS, est une fraude à l'assurance, et une fraude envers les co-investisseurs.
ceci dit, la SEC enquête, puisque le montage Magnetar ressemble à celui d'Abacus - Mais vu les amendes ridicules prononcées dans le cas d'abacus, je ne suis pas trop inquiet pour JPM...
http://www.propublica.org/article/sec-investigating-deal-between-jpmorgan-and-hedge-fund-magnetar
Rédigé par : vincent | mardi 09 novembre 2010 à 18h04
Ma compréhension était que toute la beauté du montage était de choisir sans choisir. Magnetar n'a pas choisi les prêts les plus pourris, il a payé des gens pour le faire à sa place, des gens qui touchaient des commissions royales et fermaient leur gueule. Mais ce n'est pas là ce qui était intéressant.
C'était plus la partie pour étayer les CDO de CDO, avec un CDO reconstitué à partir uniquement des tranches Equity puis redécoupé avec une belle part de tranche A, notée triple AAA (sur le dos des japonais en prime)
Rédigé par : Joe | mercredi 10 novembre 2010 à 09h33
Ne pensez vous pas qu’au final les états trouveront toujours une « solution » pour repousser leurs faillites, j’ai l’impression qu’après 1929 et les conséquences que l’on connait, les états s’arrangeront entre eux. La chine même si son commerce intérieur peut lui permettre de vivre en autarcie, elle n’aurait peut être pas intérêt à lâcher les US d’un point de vue géopolitique ? Un peuple en grande déroute peut être attiré par des extrêmes quel qu’ils soient ?
Pourtant d’un point de vue purement rationnel, si j’étais chinois, ça ferait un bail que je n’achèterais plus de bon du trésor Américain.
J’ai parfois l’impression que le système (éthique ou non) est plus fort que tout … Car au final, tout ce qui devait être remis en question, n’a rien changé.
Je m’attendais à un vrai impact économique & social de la crise 2007 et des ses répliques.
Rédigé par : Keyv | mercredi 10 novembre 2010 à 14h00
@Keyv
> Ne pensez vous pas qu’au final les états
> trouveront toujours une « solution » pour
> repousser leurs faillites
Il n'y a pas de "solution". L'excès de dette doit être purgé du système et quelqu'un doit payer la facture (assumer les pertes). Il n'y a pas de "solution" à ça. Les Etats en tant que structure de gouvernement peuvent échapper à la faillite d'un point de vue apparent. C'est ce que fait le gouvernement américain et la Fed en monétisant la dette par exemple. Mais l'économie de chaque pays elle, ne peut pas esquiver l'addition. Il faudra payer l'excès de dette passé (la surconsommation hier, au-dessus de nos moyens), soit en produisant beaucoup plus demain pour compenser (on en prend vraiment le chemin), soit en abaissant nos niveaux de vie. La facture finale sera payée en pouvoir d'achat. Point.
Maintenant, on peut discuter sans fin sur quelle partie de la population sera le plus ou le moins touché par cette addition. Mais le montant de l'addition est relativement peu discutable.
> J’ai parfois l’impression que le
> système (éthique ou non) est plus fort que tout
Cette crise est en train, doucement, de démontrer le contraire. Le système bute sur un mur infranchissable. La forme que va prendre l'échec du système n'est pas connue. Mais la croissance inexorable et sans fin des dépenses publiques sous l'impulsion de l'Etat Providence va prendre fin, non par choix, mais par nécessité.
> Je m’attendais à un vrai impact économique &
> social de la crise 2007 et des ses répliques.
C'est loin d'être fini. Seule une part mineure de l'excès de dette a été réconnu, et ce au prix d'une accélération sans précédent de la création de dette par les administrations publiques. Le problème a été temporairement déplacé, des comptes des banques vers les comptes des Etats. L'addition n'a pas encore vraiment commencée à être payée.
Rédigé par : ST | mercredi 10 novembre 2010 à 14h15
Je suis d'accord avec vous, d'un point de vue rationnel, j'ai du me tromper sur le temps que ça prendrait.
>soit en produisant beaucoup plus demain pour compenser
>(on en prend vraiment le chemin), soit en abaissant nos >niveaux de vie. La facture finale sera payée en pouvoir >d'achat.
J'aurais vu uniquement la "solution" par un abaissement général du niveau de vie.
>Maintenant, on peut discuter sans fin sur quelle partie >de la population sera le plus ou le moins touché par >cette addition.
j'aurais tendance à dire tous le monde avec des impacts plus ou moins fort pour certains.
Avez vous acheter de l'or ? par ex ? à part ma médaille de naissance, j'ai rien du tout :)
Rédigé par : Keyv | mercredi 10 novembre 2010 à 14h31
@Keyv
> j'ai du me tromper sur le temps que ça prendrait.
On se trompe toujours sur le temps que ca prend. C'est pour cela que comprendre l'économie permet de comprendre les évolutions à venir. Si vous saviez prédire le timing, en revanche, vous seriez millionnaire.
> J'aurais vu uniquement la "solution" par
> un abaissement général du niveau de vie.
Pour nos dirigeants, ce n'est pas une "solution", puisque l'abaissement général du niveau de vie est soit disant le problème contre lequel ils entendent lutter. Ce faisant, ils ignorent les causes de cet abaissement, et qu'ils ont contribué à créer.
Quand la solution par le haut, consistant à créer encore plus de richesse, suffisamment pour à la fois maintenir notre pouvoir d'achat actuel ET rembourser nos dettes, c'est une solution théorique. Il faudrait une cassure technologique qui permette des gains de productivité extrêmement important et qui ne requiert pas des investissements capitalistiques trop important (puisque les conditions créées par l'excès de dette vont nous contraindre à sous investir le temps d'apurer le système). On est donc clairement dans un cercle vicieux et non vertueux, le temps de rééquilibrer le système. D'où l'intérêt d'un réajustement très rapide, qui certes fait mal, mais nous positionne plus vite dans une nouvelle perspective de croissance. L'inverse de ce qu'a fait le japon dans les années 90. C'est pour cela que les politiques contra-cycliques sont dangereuses : elles prolongent la crise en voulant l'atténuer.
Enfin, comme on le découvre enfin avec le foreclosuregate, l'ajustement ne devra pas être uniquement économique (baisse de niveau de vie, réduction de la dépense publique, reconnaissance des pertes), mais aussi politique et sociétal (retour à l'Etat de Droit, justice renforcée, respect de la propriété ...).
Rédigé par : ST | mercredi 10 novembre 2010 à 15h10