Le Congressional Oversight Panel (COP), émanation du congrès des USA, présidé pour encore quelques semaines par le démocrate Ted Kaufman, a rendu un rapport sur la crise actuelle des saisies immobilières (sans employer le terme de foreclosuregate).
Ce rapport de 120 pages confirme absolument En TOUT POINT mes analyses antérieures du scandale, apporte quelques nouveaux développements, et met sérieusement à mal la ligne de défense "circulez, il n'y a rien à voir" des grandes banques.Visiblement, le congrès des USA parvient à la conclusion que c'est une affaire potentiellement très grave.
Pour ceux que 120 pages d'anglais technique effraient, j'ai traduit les extraits principaux du résumé exécutif. Phrase finale: "Le système financier américain est dans une situation précaire".
>> Lire les conclusions du rapport du Congrès sur Objectif Eco
--------
Voir aussi: dossier Foreclosuregate
--------
Ce rapport est la preuve que les éléments dénoncés par ceux qui ont exposé le ForeclosureGate et ce blog en particulier sont sérieux et jugé comme tel par le Congrès des Etats Unis. C'est aussi la preuve qu'après avoir joué la carte de la complicité avec Wall Street, à coup de bailout et de support à la politique monétaire désastreuse destinée à sauver les banques menée par la Fed, le Congrès américain commence à prendre conscience de l'ampleur du problème et ne supporte plus sans broncher toutes les exigences des banquiers.
On rapprochera ce rapport des auditions menées hier par la commission bancaire du Sénat sur le même sujet, et cité par Vincent sur son Twitt (en colonne de droite : http://www.totalmortgage.com/blog/mortgage-rates/senate-foreclosure-hearing-robo-signing-an-affront-to-state-courts/8089#more-8089). On découvre avec soulagement que les explications pour le moins légères des banques et des responsables des Mers ne passent pas. La déposition de l'Atorney General de l'Iowa est sans équivoque : aux banques qui prétextent l'erreur technique, il répond que cet argument est un "affront aux cours de justices des Etats".
Et dans le même temps, les derniers appuis des banques à la chambre tentaient hier encore de faire voter la suppression du veto présidentiel sur le projet de loi HR 3808, le texte qui tentait de légaliser a posteriori les irrégularités des systèmes d'enregistrement électronique MERS. Ils avaient besoin de la majorité des deux tiers en leur faveur pour annuler le veto d'Obama, il n'auront que 185 oui contre 235 non. Le vent commence à tourner à Washington.
Autre signe des temps : la logique voudrait que Ron Paul, grand pourfendeur de la Fed, soit le nouveau chairman du sous comité sur les affaires monétaires du House Financial Services Committee. Un poste qui lui donnera la possibilité de citer à comparaître le chairman de la réserve fédérale et de questionner la politique de la Fed devant l'opinion publique (http://online.wsj.com/article/SB10001424052748704312504575618494240593162.html?mod=googlenews_wsj). Pour l'auteur de "End the Fed", son dernier livre, l'opportunité est inespérée, après des années à prêcher dans le désert.
Et comme je parle de Ron Paul, je termine par un hors sujet : le congressman du Texas vient d'introduire une nouvelle proposition de loi, HR 6416 (de pas plus d'un paragraphe, comme à son habitude), intitulée The American Traveler Dignity Act, afin de rendre illégales les mesures de sécurité obligeant tous les voyageurs en avion de se soumettre à un scanner intégral ou un palpation corporelle approfondie avant de prendre l'avion. Sa prise de parole sur ce sujet devant le Congrès est exemplaire, son indignation justifiée (http://paul.house.gov/index.php?option=com_content&task=view&id=1796&Itemid=60 / http://www.youtube.com/watch?v=d-N5adYM7Kw). Initiative à rapprocher de l'initiative du National Opt-Out Day (http://www.optoutday.com/).
Rédigé par : ST | jeudi 18 novembre 2010 à 10h26
Question naïve : si l'affaire est si explosive que ça, pourquoi n'en parle-t-on pas du tout dans nos médias ?
Un scandale géant qui met en cause des grandes banques US, voila qui devrait pourtant plaire aux journalistes.
Rédigé par : Bob Shar | jeudi 18 novembre 2010 à 22h37
@ Bob Shar : Je pense que ça s'explique assez bien:
1) Au départ, c'est un problème très technique, difficile à rendre compte de façon "spectaculaire" et vendeuse. vous vous en rendrez compte en lisant ma synthèse (cf lien dans l'article)
1bis) même aux USA, une grande partie de la presse a traité ça de façon "secondaire", même si le washington post et le NYT ont fait des éditos dessus.
1ter) a ma grande déception, toute la droite (presque toute) américaine minimise le problème. Le vote de la chambre sortante ("lame duck session") où seul Ron Paul et quatre autres GOPs ont voté avec l'immense majorité des démocrates pour ne pas renverser le véto présidentiel sur la loi HR3808 est de ce point de vue accablant. Je me retrouve, sur ce dossier, totalement en phase avec "la gauche intelligente" américaine (Robert Reich, William Black...) qui est une partie non négligeable de la gauche, là bas.
Donc il est logique qu'en France, l'allumage se fasse avec du retard.
2) C'est indiscutablement moins important que la politique de Quantitative easing, par exemple, ou le risque de faillite des PIGS. Mais ça, tout le monde en parle déjà, ma valeur ajoutée serait assez faible.
3) Nos médias se réveilleront soit si une grande banque fait faillite (genre Bank of America) soit en cas de nouveau Bailout bancaire.
4) En France, le Karachigate s'annonce pas mal non plus, et devrait logiquement occuper l'espace médiatique dans les prochains mois
Rédigé par : vincent | vendredi 19 novembre 2010 à 07h53
Je rajouterai à la réponse de Vincent un élément de dérive culturelle. Pour prendre la véritable mesure du problème, il faut avoir une conscience assez claire de concepts passablement érodés outre atlantique, et encore plus érodés de ce côté ci de l'atlantique. Si les concepts de propriété, et d'Etat de Droit, ne sont pas au coeur de votre réflexion, je dirais de vos valeurs, c'est difficile de voir combien ce scandale représente une dérive profonde de nos sociétés originellement libérales. Sans cette lecture, le risque est de n'avoir qu'une lecture technique du problème, qui appelle une solution elle même technique (come le HR3808).
C'est la même chose pour l'affaire des scanners dans les aéroports : si on a cédé à une vision du monde qui place la responsabilité de l'Etat au coeur des choses, c'est difficile de vraiment s'offusquer de la mise en place de procédures qui sont là "pour notre sécurité", "dans notre intérêt", "pour nous protéger". Ce n'est que lorsqu'on est au clair avec les notions de responsabilité INDIVIDUELLE que l'on se sent à juste titre agressé et scandalisé par les dérives de ces nouvelles procédures de sécurité. D'où la réaction viscéralement exaspérée et "naturelle" d'un Ron Paul, là où la majorité des autres membres du congrès sont partagés, et contraints à un effort de réflexion, de construction intellectuelle pour justifier ou dénoncer ces procédés.
C'est un problème avant tout de valeur, un problème culturel, et donc un problème très grave pour nos sociétés. Ca me rappelle cette intervention de Milton Friedman sur une question sur la "responsabilité du gouvernement envers les pauvres", qui appela une réponse directe de sa part : "Le gouvernement n'a aucune responsabilité. Les individus sont responsables. Cet bâtiment n'est pas responsable. Vous et moi sommes responsables" : http://www.youtube.com/watch?v=Rls8H6MktrA
Cette video m'a toujours marqué car elle démarre non sur une démonstration dans le cadre d'un débat (Friedman n'essaye pas de démontrer le bien fondé de son point de vue), mais sur l'énoncé d'un principe, d'une valeur, qui fonde ensuite les raisonnements, les actions, les politiques. Si cette valeur, si ce principe n'est plus partagé, il y a un vrais problème de fond dans nos sociétés. On en est au même point avec cette affaire : elle ne réclame pas simplement d'être exposé. Elle a besoin d'être expliquée, et surtout elle a besoin qu'on explique la nature des principes en jeu, car ils ne sont plus évidents pour tout le monde. Et c'est un vrais problème.
J'ai un autre exemple plus récent de ce mur d'incompréhension dès lors qu'on ne partage plus un socle commun de valeurs et de présupposés. C'était au début de l'émission de Glenn Beck qui suivait la défait des démocrates aux dernières élections (ici, à partir de 1 minute 15 environ : http://www.youtube.com/watch?v=gk33gnUvCgc) : Beck illustre l'incompréhension entre deux pans de la société en évoquant les raisons exprimées par le président et les démocrates pour leur défaite, à savoir qu'ils n'ont pas sur "créer assez d'emplois" face à la crise. Pour Glenn Beck, il ne peut nullement s'agir du motif de rejet des politiques démocrates puisque le segment de l'électorat qui a donné le ton de cette élection, le plus motivé à renverser les politiques mises en oeuvre par Obama, le moteur de leur défaite, à savoir le mouvement Tea Party, considère de son point de vue que "les gouvernements ne créent PAS d'emploi". Point. Mur d'incompréhension. Différentiel culturel difficilement conciliable. Que Beck illustre en gardant le silence devant son tableau et un laconique "j'ai rien d'autre à ajouter". Si les uns débattent de la forme que doit prendre l'intervention de l'Etat, quand les autres arguent sur le niveau de contraction de cette intervention, on discute sur deux axes difficilement compatibles. Et si on a pas conscience de ça, c'est le dialogue de sourd.
Rédigé par : ST | vendredi 19 novembre 2010 à 09h53
J'ajouterais des éléments culturels US :
- On ne discute pas l'arbitre (ici le juge)et l'arbitrage n'est pas encore rendu.
- Une fois le jugement rendus tout le monde le respecte.
- L'attitude est essentielle : on DOIT respecter les règles (The Rules). Par contre c'est la limite extrême par rapport à la légalité qu'il faut viser pour avoir un avantage compétitif. C'est d'ailleurs pour cela qu'il est souvent difficile de "coincer" des "fraudeurs" aux US car ils ont un art consommé d'être "border line".
- C'est pour cela que le "Lobying" est si important : Il vise à orienter les règles édictées en sa faveur et pas forcement à les contourner.
- Les américains ont plus conscience que nous de l'importance des rapports dans les relations humaines surtout au niveau économiques : il trouvent normal qu'un agent économique maximise son profit (par exemple en période de plein emploi ils ne s'étonnent pas que le prix de l' heure de femme de ménage explose car lui aussi il réagit à la loi de l'offre et de la demande).
ps : pardon pour les mots d'anglais.
Rédigé par : Bernique | vendredi 19 novembre 2010 à 10h26
> la ligne de défense "circulez, il n'y a rien à >voir"
Personnellement, c'est aussi comme cela que je vois les choses et je maintiens mon point de vue.
Rédigé par : maurice b. | lundi 22 novembre 2010 à 17h55
@maurice b.
> > la ligne de défense "circulez, il n'y
> > a rien à voir"
>
> Personnellement, c'est aussi comme cela que
> je vois les choses et je maintiens mon point
> de vue.
Attention Maurice, avec des arguments d'une telle force, d'une telle profondeur de raisonnement, vous nous laissez dans l'incapacité d'articuler la moindre réponse cohérente.
Rédigé par : ST | lundi 22 novembre 2010 à 18h20
On devrait se cotiser pour envoyer Maurice B. témoigner devant le congrès ? Ils comprendraient, ces abrutis, qu'il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat.
Rédigé par : vincent | lundi 22 novembre 2010 à 21h01