Le
projet de loi de finances 2013 distribue les coups de matraque fiscale à
qui mieux mieux. Mais de toutes les augmentations de taxes annoncées,
aucune n’a provoqué autant de réactions que l’annonce de l’alignement
des taxes sur les gains en capital sur les taux de l’impôt sur le
revenu, synonyme d’une taxation marginale supérieure à 60% en incluant
la CSG. Au point qu’un mouvement de protestation spontané
majoritairement composé de petits et moyens entrepreneurs, “les
pigeons”, a réuni plus de 25.000 sympathisants sur Facebook en 72
heures, et organisera* une grande manifestation devant l’Assemblée
Nationale ce dimanche à 15 heures.
(Tribune co-signée par moi même avec Charles Beigbeder, Aurélien Véron, Arnaud Dassier, dans Atlantico avant-hier)
Pas que les Starts Up !
Cette
taxation est présentée par ses défenseurs gouvernementaux comme une
mesure de “justice sociale” visant à aligner la taxation du capital sur
celle du travail. Ce à quoi les entrepreneurs répondent qu’avant de
revendre des parts de leur entreprise, ils ont souvent du risquer de
tout y perdre, y compris la santé, que la prise de valeur a déjà été
obérée par de nombreux impôts et taxes payées durant la vie de
l’entreprise, y compris un impôt sur les sociétés parmi les plus élevés
du monde. Argument massue:
il est certain qu’il vaudra mieux pour beaucoup de créateurs dynamiques
à qui les voyages ne font pas peur, aller créer des entreprises en
Grande-Bretagne ou en Belgique. Outre-Quiévrain, la taxation des plus
values est de... 0%.
Une erreur serait de cantonner le débat aux seules "start-ups" ou entreprises nouvelles. La
mesure affectera également ceux qui envisageaient de reprendre des
entreprises en difficulté, ou en mal d’héritiers, avec pour idée de les
faire grandir.
Les seuls à être moins frappés par la mesure seront ceux qui
accepteront de rester "petits". Mais dans un pays où le principal
problème est la difficulté pour les jeunes entreprises à grandir, voilà
une incitation qui ne va pas dans le bon sens.
Passons sur les batailles d’arguments techniques que les uns et les autres se jettent à la figure: le gouvernement annonce des exemptions qui rendraient la mesure moins dissuasive, les “pigeons” les jugent inadaptées au monde de l’entreprise, que le gouvernement, selon eux, comprend mal. Ces objections techniques des entrepreneurs sont parfaitement justifiées mais ne doivent pas nous faire perdre de vue l’essentiel : si l’argument gouvernemental de la “justice sociale” est valide, alors les salariés devraient se trouver mieux lotis du fait d’une telle taxation. Sera-ce le cas ?
Les salariés s’en porteront-ils mieux ?
Pour produire de la valeur ajoutée, il faut combiner du travail et du capital. La France a aujourd’hui un coût du travail élevé. Même si on peut regretter qu’une part trop faible de ce coût retombe dans l’escarcelle des salariés -autre débat- il est souhaitable, à tout point de vue, que les entreprises restent en mesure de payer cher pour leur travail. Pour cela, il n’y a qu’une seule solution : les salariés doivent disposer du meilleur capital possible, des meilleures machines, des meilleurs systèmes d’information, qui leur permettront d’avoir une forte productivité individuelle...Or, aujourd’hui, les employeurs peinent à maintenir sur notre sol leur outil au niveau de celui de leurs concurrents, comme l’actualité le montre bien sombrement. Ce n’est pas en renchérissant par une taxation punitive le coût du capital, dont la formation est déjà obérée par un impôt sur les sociétés parmi les plus lourds, que les développeurs d’entreprise seront incités à maintenir en France leurs meilleurs investissements productifs, mais dans des pays où on laissera à cet investissement une chance de rapporter plus.
A terme, nous serons donc condamnés à voir notre productivité érodée par rapport à celles de nos concurrents, et par conséquent, nos entreprises ne pourront plus assumer notre coût du travail. En France, les salaires moyens sont tout juste dans la moyenne de l’Union Européenne aujourd’hui, loin derrière ceux de la Grande Bretagne, de l’Allemagne, pour ne citer qu’eux, et notre chômage des moins productifs (salariés jeunes et âgés) est notoirement élevé. Si nous persistons à obérer la formation et le renouvellement de bon capital par une fiscalité punitive, alors, en une génération, nous nous condamnerons à n’être qu’un pays de seconde zone ne vivant que sur des acquis déclinants et offrant à sa jeunesse un avenir financier médiocre. Nul ne peut souhaiter un tel déclin au nom d’une quête immédiate d’une prétendue “justice sociale”.
Les Pigeons, et après ?
Les
demandes des “pigeons” ne sont donc pas une simple revendication
catégorielle mais un combat pour que tous les français conservent encore
un peu d’espoir dans leur avenir économique. Mais quand bien même leur
mouvement obtiendrait satisfaction partielle ou totale, le combat ne
s’arrêtera pas là. Il faudra continuer d’oeuvrer pour que la classe
politique dans son ensemble finisse par remettre en cause les paradigmes
fiscaux actuels, faits de taux marginaux punitifs couplés à des niches
fiscales qui ne profitent qu’aux rentiers et nantis. Alors s’ouvrira
pour le monde du travail, salariés comme entrepreneurs, des perspectives
de progrès réellement exaltantes.
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* Manifestation annulée, hélas.
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Lire également:
Réconcilier travail et capital, seul moyen d'améliorer le niveau de vie des salariés
Article original sur Atlantico
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Ce qui m'apparait le plus flagrant dans cette affaire, c'est la combinaison de dogmatisme et d'inexpérience (pour ne pas dire incompétence), du tandem Hollande-Ayrault. Ne savent-ils pas que la France fait partie de l'espace Schengen qui garantit la libre circulation des personnes et des biens, et que tout citoyen est libre de s'installer où il veut, et d'y transférer ses capitaux ? Dans un tel contexte, le choix d'une résidence qui permet d'alléger la fiscalité à laquelle on est assujetti est parfaitement légitime. Le discours de la gauche sur le "patriotisme économique" est tout à fait inconvenant, et même condamnable du fait qu'il ignore les engagements européens de la France. Mais surtout, l'Etat français donne à toute l'Europe l'image d'un pays ennemi de l'entreprise, susceptible de dissuader bien des investisseurs de venir y entreprendre. L'idéologie socialiste archaïque de nos dirigeants politiques accélère la chute de notre économie, et menace d'abord les travailleurs et les citoyens des classes moyennes et modestes qu'ils prétendent protéger.
Rédigé par : jean-michel bélouve | vendredi 05 octobre 2012 à 08h52
Est ce que quelqu'un sait si et pourquoi cette mesure ne toucherait pas tout autant les commerçant (on ne parle que des startups) ? Et si cette mesure touche aussi le commerçant qui revend son commerce, soit parce qu'il a bien réussi et veut racheter plus grand ou mieux placé (cas classique des boulangers par exemple), soit parce qu'il part en retraite, pourquoi ne les entend t-on pas plus ?
En outre, on parle partout d'aménagement techniques (genre usine à gaz) pour ne pas taxer tel ou tel, mais sauf erreur, rien d'annoncé par rapport aux hausses de charge des auto-entrepreneurs, hausses qui semblent être les prémisses d'une remise en question lente du principe de ce régime.
Rédigé par : ST | vendredi 05 octobre 2012 à 10h09
jean-michel bélouve
@ ST
Les nouvelles mesures ne s'appliquent pas aux cessions de fonds de commerce. l'assiette demeure donc égale à prix de vente - (prix d'achat-amortissements), et est incluse au revenu imposable pour les plus-values jusqu'à cinq ans, et est taxée à hauteur de 29,5 % au delà de cinq ans. Pour les sociétés, la plus-value s'ajoute au bénéfice imposable à l'IS.
Pour les auto-entrepreneurs, la majoration d'impôt et charges sera d'environ 3 points, ce qui aboutit à une augmentation d'imposition de 23% pour les ventes de marchandises, et de 14% pour les prestations de service, ce qui fait des auto-entrepreneurs une catégorie sociale modeste particulièrement matraquée. L'incitation à dissimuler une partie des recettes n'en sera que plus forte!
Rédigé par : jean-michel bélouve | vendredi 05 octobre 2012 à 15h24
@JMB: Très intéressant.
pouriez vous faire un petit papier didactique sur les conséquences des augmentations de charges pour les auto-entrepreneurs ? Ainsi que sur les pièges fiscaux bien cachés dans les petites lignes de ce statut ?
Rédigé par : vincent | samedi 06 octobre 2012 à 00h11