C'est l'été, il faut meubler. J'ai retrouvé sur archive.org un vieil article de 2007 qui avait hélas disparu avec l'ancien blog d'AL nantes. L'occasion de le republier, en y ajoutant deux trois nouveautés, histoire que ne disparaisse pas dans les tréfonds du web cet hommage aux vaillants serviteurs publics de notre exception culturelle.
A la découverte des Fonds Régionaux
d'Onanisme Culturel - été 2007
Ayant décidé de meubler un week end de l'été 2007 en visitant un quartier de Nantes, j'eus la surprise de voir
que le Fonds Régional d'Art Contemporain (FRAC) y exposait 80 oeuvres
parmi les milliers que ses hangars recèlent, si l'on en croit leur site
web. Accumuler des oeuvres dans des hangars pour n'en montrer qu'une infime partie au public: que voilà une remarquable expression du génie bureaucratique français.
C'était pour moi l'occasion de me hisser à la hauteur des plus grands spécialistes de vraie culture, la Culture à Usage Local (abréviation d'origine contrôlée).
L'entrée est "gratuite", c'est à dire que j'ai tout payé par avance en
tant que con-et-tribuable. Cela m'a donné l'occasion de
découvrir des oeuvres dont l'intérêt artistique n'échappera à personne:
un Monochrome fait au rouge à Lèvres d'un certain Fabrice Hyber (ou Hybert, selon les jours), un
miroir sale emballé dans deux bandes de tissus négligemment posé sur le
sol par le non moins célèbre Sanejouand, une dizaine de traits blancs
sur fond
de gribouillage noir du fameux Malaval - des problèmes de
déglutition, sans doute ? -, une maquette de moto de course
en résine d'un artiste dont je préfère oublier le nom...
N'oublions pas les grands classiques de tout musée d'art contemporain: des photos noir et blanc floues de femme à poil aux jambes légèrement
écartées sur écran télé – une petite touche de cul, ça fait toujours avantgardiste
dans une expo-, et régalons nous d'un miroir brisé, des tubes éjaculateurs de
savon
mousse, des carrés de plexiglas translucides (j'ai cru que c'étaient
des cloisons, honte à moi)... Ne manquait que la
"plénitude amnésique" de Chocalescu et son pyjama dessiné par Buren !
"1 Mètre carré de Rouge à Lèvres", F. Hyber, 1981.
Géniââââl, nôôôn ?
Naturellement, pour l'idiot qui ne connaît rien à l'art moderne, une
brochure se charge de vous renseigner sur ce que les objets présents
ont d'artistiques, parce qu'effectivement, ce n'est pas évident au départ.
Et là, vous
découvrez que la valeur d'une oeuvre est surtout fonction de la surenchère langagière pratiquée par son auteur, de l'intensité substantive, adverbiale et superlative de la logorrhée exsudant du jargon développé autour du moindre gribouillage, afin de vous
faire prendre des vessies pour des lanternes.
Un carré de rouge à
lèvres rouge n'est pas un vulgaire étalage de peinture sur un morceau de papier
à peindre. C'est "un dépassement pictural à observer dans une démarche
post-moderne décontemplative, une recherche de puissance suggestive par
la domination du rouge sang qui submerge l'oeil du spectateur". Là, tout
de suite, on est conquis. Les concours d'architecture publics
obéissent aux mêmes règles: ce ne sont pas les bâtiments les mieux
conçus qui gagnent, mais (sauf cas de pots de vin...)
ceux qui ont la notice explicative qui fait le mieux jouir le président
du jury - en général un gros élu-, qui le fait se sentir le plus
important.
Bref, au risque de passer pour un épouvantable provincial réac qui ne
comprend rien à l'art, l'expo du FRAC est un assemblage hétéroclite de
foutages
de gueule dont on peut parier que pas un seul touriste japonais ne fera
le déplacement de Tokyo pour l'admirer dans 10 ans. D'ailleurs,
l'observation des autres visiteurs rejoignait la mienne: la plupart
d'entre eux, entrés "pour
voir" parce que "c'est
gratuit", ne faisaient que passer devant les "oeuvres" exposées
et ressortaient aussi vite, entre goguenardise joviale et malaise de contribuable coincé.
Qu'un François Pinault parsème le palazzo Grassi
d'incongruités pseudo-artistiques de ce genre passe encore. C'est son
argent. Il en fait ce qu'il veut. Un peu de marketing, un peu de goût,
et peut être qu'une poignée des... "Oeuvres" qu'il expose passeront
tout de même à la postérité. Avec un peu de chance, le musée parviendra
à équilibrer ses comptes, car François Pinault, la gestion, ça le
connaît.
Mais que des organismes financés avec notre argent se
permettent de satisfaire le "goût" (il faut le dire vite) de quelques
fonctionnaires cultureux pour la branlette
intellectuelle, et d'élus en mal de courtisans, en achetant à
des artistes fonctionnarisés des monceaux de "créations" dont les plus
abouties auront demandé trois jours de travail, pour des millions
d'Euros, est plus que choquant.
Cela n'étonnera personne: les FRAC, qui devraient plutôt s'appeler
"FROC" (fonds régionaux d'onanisme culturel), sont une création du duo
infernal Lang-Mitterrand, soucieux de faire de l'art abscons "réservé aux
riches" une distraction populaire (voir encadré, issu du site du FRAC Centre).
On l'a vu avec l'Opéra "populaire" de la Bastille, l'art subventionné
se révèle effectivement vachement démocratique: tous les grands élus
peuvent assister aux représentations à l'oeil !
Qu'est ce qu'un FRAC
(oui, qu'est-ce donc que cette chose
étrange, m'sieu FRAC ?)
En 1982, une convention culturelle entre le ministère de la Culture et
les régions met en place dans chaque région de France, un Fonds
Régional d'Art Contemporain, régi par la loi sur les associations dans
la double perspective de promotion des arts plastiques et de
décentralisation artistique.
Le FRAC a plusieurs
missions :
Une collection
Sa vocation première est la constitution d'une collection d'art
contemporain,
représentative
de la création actuelle .
FRAC Centre : Une
collection autour de l'art et de l'architectureLa collection du FRAC
Centre comporte aujourd'hui environ 5000 oeuvres qui circulent en
permanence en région Centre, en France et à l'étranger.
Mazette ! Et ce n'est que la relativement modeste région Centre (Orléans, Tours). Il y a 26 régions: extrapolez vous mêmes !
La Diffusion
A travers la diffusion de leurs collections dans les régions, en France
et à l'étranger, les FRAC(s) contribuent à la sensibilisation du public
à l'art contemporain.
Ben oui, c'est ballot, mais d'eux mêmes, 98% des français ne trouvent aucun intérêt aux éructations pseudo-artistiques d'un Jeff Koons. Il faut donc bien que l'état s'occupe de redresser notre goût tellement ras des pâquerettes et indigne du Génie Français, pour des vieilles badernes telles que Vinci, Renoir, Rembrandt, ou des artistes contemporains non subventionnés tels que Dali. On attend d'ailleurs toujours que les FRAC nous dénichent un Picasso ou un Dali Français...
Le soutien à la création
contemporaine
Elaborant un projet artistique et culturel propre, le FRAC définit un
ensemble d'objectifs en matière d'acquisition et de commande,
d'édition, de programmation d'expositions et d'organisation de
conférences ou de séminaires, de développement des relations avec les
artistes français et étrangers (résidences en ateliers-logements) et de
mise en place d'une politique de médiation avec le public.
Où que vous habitiez, vous n'y échappez pas. Dans chaque région, le
FRAC a pour mission de
vous "sensibiliser" à l'art contemporain. C'est réussi : j'y suis
tellement sensibilisé que je développe une allergie tenace. D'ailleurs, en éternuant sur un monochrome blanc, j'y ai laissé une tache verte. Et bien, personne ne s'en est aperçu !
L'art subventionné pose évidemment un certain nombre de questions, qui
induisent la réponse rien qu'en les posant:
- Est il juste que des contribuables, dont beaucoup sont
modestes, paient
pour permettre aux bobos friqués de se pâââmer devant un "scooter
coincé par un portillon de métal" du sublimissime Claude Lévêque, dont tout français peut évidemment citer trois oeuvres majeures de mémoire ?
- Si les mêmes bobos friqués aiment se pâââmer devant des
olisbos en pâte à
modeler du divin Gary Fullton, ne doivent ils pas payer par eux mêmes
l'intégralité des coûts que l'achat et l'exposition au public
des oeuvres dudit Gary Fullton génèrent ? Si un musée ne parvient pas à
équilibrer ses comptes avec sa billetterie, la location de ses
collections à des musées tiers, l'appel au mécénat et la vente de
produits dérivés, au nom
de quoi des contribuables qui n'y vont jamais doivent ils passer à la
caisse pour permettre au maigre public d'un Bernard Piffaretty de se
rincer l'oeil à prix cassés ?
- Le cas échéant, le rayonnement culturel d'une ville doit il
être le
fait de fonctionnaires qui jouent aux découvreurs d'artistes avec notre
argent, ou celui de riches mécènes qui tels les Médicis ou les Grassi,
ou les Guggenheim et Pinault, tentent de passer à la postérité en
convertissant leur fortune en lieux d'induction de plaisir artistique ?
Qui aura plus fait pour le rayonnement culturel : les Médicis à
Florence, les riches commerçants de Venise, ou un obscur conservateur
de FROC à Nantes ou à
Clermont Ferrand ?
- On nous affirme que le rayonnement culturel d'une ville est
essentiel
pour attirer des décideurs, des investissements, des touristes...
Pourquoi ne pas laisser des développeurs privés intéressés par la
présence de touristes et d'investisseurs dans la ville, décider
avec leur argent quelle politique culturelle servira le mieux
leurs objectifs ?
- Les commissions de bureaucrates (un exemple: première vidéo)
qui
sélectionnent les oeuvres, et donc les artistes, qui bénéficient de la
générosité du contribuable, le font sur quels critères ? Avouables, non
avouables ? Faut il être de gauche ? Faut-il coucher ? Comment mesurent ils le retour sur
investissement découlant de leurs choix, si tant est qu'une telle
notion ait la moindre once de signification à leurs yeux ?
- Ceux qui voudraient que l'art ne soit pas une marchandise
peuvent ils
nous expliquer pourquoi il faut qu'il soit une source de privilèges accordés par des
élus et leurs cours de bureaucrates à des protégés qui trouvent là un
moyen facile de gagner leur vie sans trop se fatiguer ? A mes crochets
?
On nous rétorquera que cela est bien véniel, que l'intervention
culturelle publique n'est qu'une goutte d'eau (une goutte d'or,
dirais-je plutôt...) dans un océan de dépenses publiques diverses et
variées, que ce gaspillage là, si c'en est un, est moins grave que
d'autres.
Que Nenni. Si la culture ne représente "que" 3% des dépenses du conseil
régional des pays de Loire, ce qui est encore trop, mais pas dominant,
l'étude du site web de la ville de Nantes (pdf) nous
apprend que la culture
constitue, avec 17% des dépenses totales, le premier budget de la
commune, devant les interventions sociales (4,5%), l'éducation (12%) ou
les équipements. Dans une ville où les SDF et les caravanes de fortune
poussent comme des champignons, et où le commerce de centre ville meurt
faute de parkings et d'accessibilité automobile, la détermination des
priorités de l'équipe au pouvoir laisse songeur. Mais les plaisirs des
soirées mondaines, au milieu de cours d'artistes auto-proclamés, valent
bien quelques largesses avec l'argent public, n'est-ce pas ? Protecteur
des arts avec l'argent des autres, c'est tout de même plus groove,
fashionable,
que bienfaiteur des pauvres, qui de toute façon, poussent
l'incorrection jusqu'à ne plus voter, salauds de pauvres, tiens ! Une faute de goût qu'aucun
artiste subventionné ne saurait commettre, ce qui en fait toute la
valeur sur le marché de l'octroi de prébendes publiques.
La culture est décidément une chose trop sérieuse pour être confiée aux
politiques...
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