L'institut Hayek avait publié l'interview que donnait, en 2003, Milton Friedman à Henri Lepage pour "Politique internationale".
Un échange intéressant entre deux intellectuels qui, chacun à sa manière, auront marqué l'histoire du libéralisme. Mais aussi un échange qui montre les limites de la capacité des plus grands intellectuels à se projeter dans l'avenir sans laisser leur jugement être contaminé par leurs préjugés. Car si la clairvoyance de Milton Friedman concernant l'Euro étonne, son rejet péremptoire des théories autrichiennes du cycle, pourtant confirmées par la crise actuelle, et son optimisme quasi béat quant à la force de l'économie américaine, font tache aujourd'hui. Et sa comparaison de l'état de santé des économies allemandes et Irlandaise... disons... prête à rire. Enfin, pas trop, parce qu'à titre personnel, j'ai fait les mêmes erreurs au même moment.
J'en reviens à l'image que j'avais développée il y a peu pour expliquer ma stratosphérique erreur de jugement sur la performance de l'économie Islandaise. Tout comme le bilan d'une entreprise présente un actif et un passif, une économie n'est que l'agrégat des actifs et des passifs de tous ceux qui y participent. L'école de Chicago, dont Friedman fut le symbole le plus médiatique, fut remarquable dans son analyse des politiques économiques permettant de valoriser l'actif d'une économie, c'est à dire la façon dont elle emploie ses ressources, et dont le "chiffre de la croissance" constitue le thermomètre le plus actuel. Et nos pays, qui vont bientôt être atteints par un tsunami de crise sans précédent, s'en sortiront d'autant mieux que les états auront laissé les citoyens libres de trouver les moyens de s'en sortir, à condition de conserver leur pouvoir de sanction des malhonnêtes. De ce point de vue, l'enseignement de l'école de Chicago, qui rejoint celui des autrichiens, reste valide.
Mais cette école de pensée a complètement échoué à analyser les forces et faiblesses des passifs de nos économies, c'est à dire la façon dont elles finançaients leurs actifs. Sur les questions du crédit, de la dette ou de la monnaie, l'école de Chicago a épouvantablement manqué de clairvoyance.
Cette interview permet, par le contre-exemple, de mieux comprendre cette erreur fondamentale. On pourra également relire avec profit cette synthèse des différences fondamentales entre les deux écoles, par Xavier Méra. VB.
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Henri Lepage interviewe Milton Friedman
par Henri Lepage - Interview réalisée en 2003 - Chapeau également écrit en 2003...
A plus de 90 ans, Milton Friedman ne donne plus guère d'interviews. Celle-ci est donc, à tous égards, exceptionnelle. Depuis la chute du communisme, le prix Nobel d'économie 1976 a vu triompher les idées libérales qu'il professe sans relâche depuis plus d'un demi-siècle.
Répondant aux questions de Henri Lepage, il dresse le bilan du monde depuis le début des années 1980.
La crise que traverse actuellement l'économie mondiale ne lui semble pas aussi grave que certains observateurs l'affirment : cette récession est d'autant plus mal ressentie qu'elle fait suite à une période de croissance et d'euphorie boursière inégalée. Mais les fondamentaux de l'économie américaine restent bien orientés et les incertitudes liées à la situation internationale sont désormais levées. Seuls le Japon et surtout l'Allemagne inspirent à Milton Friedman une certaine inquiétude. En tout cas, il voit dans les difficultés de l'économie allemande une confirmation du jugement très sévère qu'il porte sur l'euro et le Pacte de stabilité.
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