VB : qui est vraiment Christophe Blocher ?
Réponse des deux Stephan M. : Blocher est un type formidable - un entrepreneur hyper-productif et créateur de richesses sans pareil.
Il était d'abord conservateur avant que son vieux copain d'etudes, Robert Nef, le fondateur de l'institut Liberal de Zurich le mette sur la voie du Liberalisme. Depuis, il a publié des textes envoyés a tous les ménages (et payés de sa poche) où il fait référence a Hayek et von Mises !
En bref, Blocher est clairement capitaliste et libéral, fédéraliste et pour moins d'état. Toute centralisation du pouvoir lui fait horreur : pas vraiment le portrait d'un dictateur en puissance !
Blocher est un entrepreneur, un vrai. Avec peu d'argent en poche, il a contracté un emprunt bancaire très élevé et en mettant en jeu ses propres biens, pour redresser une petite entreprise locale au village d'Ems. Il la rebaptisa EMS CHEMIE et c'est aujourd'hui une entreprise florissante avec plus de 2000 employés et 1,1 milliard de CHF de CA (#700 Millions d'€). L'entreprise a dynamisé toute la région.
Cà ne s'est pas fait en un jour, et c'est clairement les affrontements continus qu'il a du livrer contre les syndicats et l'administration suisse au cours de son odyssée qui ont bâti sa vision politique. Parvenu à la soixantaine, il aurait pu prendre sa retraite dorée et jouir de la vie - c'est un grand collectionneur d'art - mais à la place de cela il a préféré se lancer dans la politique pour s'attaquer personnellement aux socialistes. Il n'y a pas plus anti-socialiste que lui ! Il le dit et il le fait. Il va jusqu'à leur refuser le monopole de la bonne conscience.
Son élection a posé bien des problèmes juridiques et économiques (il a dû abandonner tous liens avec son entreprise pour pouvoir siéger) mais il a accepté tous ces sacrifices personnels. Il est réellement mu par des objectifs altruistes, ce n'est pas un affairiste.
Forcément, chez ces messieurs de gauche le diable est libéral (et bourgeois, et riche...) Donc carton plein pour M. Blocher, l'homme à abattre. Mais il est très populaire dans la "majorité silencieuse".
Par la force des choses, la gauche le craint et le deteste comme le diable. Les medias internationaux ne font que reproduire sa propagande de campagne.
VB : l'UDC mérite-t-elle vraiement le tir de barrage de presse actuel, est-ce un FN à face présentable, ou bien assistons nous à une tentative de reductio ad hitlerum téléguidée par la gauche ?
2SM : Blocher est clairement libéral sur les questions économiques, et parfois conservateur sur les questions sociales.Pour lui et l'UDC, le peuple suisse doit avoir le dernier mot sur toutes les questions, d'où le refus de la subordination helvétique à des super-Etats ou apparentés (ONU, UE, Cour Européenne des Droits de l'Homme...).
Il prône le moins d'Etat, les baisses d'impôt, la simplification administrative, la fin des rentes de situation... Le seul bémol concerne l'agriculture, sur laquelle, pour des raisons historiques, l'UDC garde une posture protectionniste et plutôt "subventionniste".
Ayant un discours direct et intelligible, il est qualifié de "populiste" par des adversaires incapables d'arriver à son niveau de clarté (mais hélas, il ne s'exprime pas en français).
VB : Vous réfutez l'épithète "populiste", le concernant ?
2SM : Pas l'ombre de la moindre affinité collectiviste ni de populisme chez Blocher ! Il n'a jamais adapté son discours a l'opinion publique (définition du populisme), c'est l'opinion qui a fini par le suivre parce qu'il est si consistant !
Blocher s'exprime avec une simplicité désarmante, il se contente de dire les choses. Il considère l'administration suisse comme une entreprise - une entreprise sérieusement mal gérée dans laquelle il faudrait distribuer pas mal de coups de pieds aux fesses.
Pour des millions de raisons, l'UDC n'est pas le FN - ne serait-ce que parce que l'UDC est présente à tous les niveaux (fédéral, cantonal, communal) et travaille avec d'autres partis, et ce depuis des années. L'UDC est un parti gouvernemental et fait volontiers coalition (pas de dialectique "tous pourris").
Franchement, j'ai bien étudié le FN et plus je connais l'UDC, moins je vois de ressemblance entre eux. L'UDC ne défend pas une quelconque supériorité nationale, ne cherche pas à établir des barrières protectionnistes, ni à empêcher la mobilité des capitaux (pas de slogans "contre les délocalisations").
Il existe un parti suisse qui ressemble, lui, beaucoup au FN, jusque dans ses contradictions: il s'agit des Démocrates Suisses (DS) mais ils sont infinitésimaux (moins de 1% des voix à l'échelle fédérale). On pourrait aussi évoquer la Lega au Tessin.
VB : ne se pourrait il pas qu'une partie de l'UDC soit plus proche des extrêmes ?
2SM : Il y a certainement quelques nationalistes et des racistes au sein de l'UDC comme chez les autres, il est juste impossible de savoir dans quelles proportions. Beaucoup de gens pensent que l'UDC fermera les frontières à tous les étrangers : c'est une conception erronée de l'immigration propagée par les ennemis de l'UDC eux-mêmes, et source de bien des malentendus !
En tous cas, je n'ai jamais vu, entendu ou lu le moindre responsable politique UDC faire l'apologie ou même excuser les crimes racistes, la xénophobie, etc.., ni utiliser de formules ambigües ou autres pour faire passer ce genre de message. Pas d'antisémitisme non plus - sauf, chez quelques uns, lors de l'affaire des fonds en déshérence où certains défendaient la position des banques suisses - les gens de l'UDC sont plutôt des amis d'Israël. En 2005 Samuel Schmidt, UDC, qui assurait alors le rôle annuel de Président de la confédération, a été vertement chahuté lors de son discours de la fête nationale à la prairie du Grütli par... Des extrémistes de droite. Comme quoi, ces derniers ne devaient pas trop aimer le Conseiller Fédéral.
VB. Pourtant, certains adversaires politiques de Blocher le qualifient de nationaliste ? j'ai même lu que certains tentaient de l'assimiler à Mussolini. Est-ce exact ?
2SM : Blocher a fondé l'ASIN, l'Association pour une Suisse Indépendante et Neutre. Voilà la vision de son engagement. Que certains appellent cela du nationalisme... Quant à qualifier Blocher de fasciste, cela confine au grotesque. Jamais vous ne lirez une déclaration nauséabonde de lui sur les chambres à gaz ou des choses de ce genre. Blocher n'a rigoureusement rien à voir avec un Le Pen ou un Haider.
Effectivement, en Suisse, un conseiller fédéral, Pascal Couchepin, s'est permis des allusions à un prétendu fascisme de Blocher : il a dit que l'omniprésence de Blocher sur les affiches lui faisait penser au Duce en Italie ! Entre nous soit dit, bonjour l'argument ! Mais sa déclaration a fait scandale, au point que des membres de son parti, les Radicaux, pensent que c'est à cause de cela qu'ils ont réalisé de mauvais scores aux élections. Les Suisses prennent très mal les attaques ad hominem et l'usage immodéré de ces dernières par la classe politico-médiatique au cours de la campagne est certainement une des raisons qui ont poussé tant de gens, en réaction, à voter UDC. Ainsi que les débordements continuels des activistes "antiracistes" de l'extrême gauche...
VB : Tout de même, certains propos de Blocher, certaines communications de l'UDC n'ont elles pas fait passer un message ambigu ?
2SM : Quels propos ? Si vous faites allusion à son commentaire sur l'article 261 bis du code pénal suisse qui condamne la discrimination raciale et le négationnisme, Blocher a affirmé que cet article lui faisait "mal au ventre", ce que la gauche s'est empressée de récupérer comme un propos raciste, alors que Blocher évoquait clairement le problème que lui posait toute atteinte à la liberté d'expression. La vidéo où on voit mis en scène certains étrangers commettre des actes illégaux ? Elle était de très mauvaise qualité et n'a sans doute pas servi les intérêts de l'UDC, mais enfin, dénoncer le laxisme des autorités dans la lutte contre cette délinquance est il condamnable ?
Quant au détournement opéré par la gauche sur l'affiche avec le mouton noir, quelle malhonnêteté ! Il est absolument clair, dans tous les messages de l'UDC, qu'il ne s'agit que d'expulser les criminels étrangers, pas de "blanchir" la Suisse, comme certains l'ont crié sur tous les toits.
VB : L'UDC n'est pas opposé à l'immigration régulière, donc ?
2SM : L'UDC n'a rien contre l'immigration régulière. Ils ne défendent pas les quotas. Une initiative des Démocrates Suisses (parti extrêmiste), je crois sans en être sûr, avait été déposée en ce sens à Genève, pour limiter la population étrangère à 20% maximum, et elle fut combattue par l'UDC aussi. Ce qui les dérange, c'est l'accès immédiat au Welfare state par les nouveaux arrivants. Grâce au passage de C. Blocher au ministère de la justice, les vannes des subventions se sont beaucoup refermées: désormais, un requérant d'asile débouté (et normalement sommé de quitter le pays) n'a plus droit à l'aide sociale. Voilà qui diminue sérieusement l'attrait du pays pour ceux qui viennent pour autre chose que travailler.
De la même façon, ils souhaitent expulser les criminels étrangers - et seulement les criminels coupables de crimes graves ou récidivistes. Mais ça, c'est trop demander aux médias que de le rapporter honnêtement... Historiquement, l'UDC a une assise paysanne et le monde rural faisait grand usage de travailleurs saisonniers: ils ont bien compris la nécessité économique de l'immigration.
VB : y a t il de bons écrits objectifs sur l'UDC et Blocher ?
2SM : Je crois qu'on peut en trouver plein... Mais en allemand.
La Suisse est ainsi faite que les deux régions linguistiques s'opposent: en gros, la Suisse Romande est un bastion socio-démocrate, alors que la Suisse Allemande est plus dynamique et libérale. Ce n'est pas sans rappeler la division entre Flandres et Wallonie en Belgique, d'ailleurs.
L'influence étatiste française se fait également ressentir très fort ici, médiatiquement parlant. Les Romands sont les premières victimes de la propagande française sur la grandeur française, la patrie des droits de l'homme, la nécessité de la Troisième Voie et ainsi de suite ad nauseam.
Si on leur posait la question, je pense qu'au moins un tiers des Romands se sentiraient plus proches des Français et de leur "grand et beau pays" que des Suisses de Zurich.
Du coup, les médias locaux (de la presse à la télévision et la radio) varient entre, disons, le centre et l'extrême gauche. Impossible de trouver la moindre représentation positive de Ch. Blocher ici. C'est d'ailleurs pour cela que l'UDC a tant dépensé dans la campagne électorale: ils étaient obligés d'avoir recours à des supports payants pour se présenter et faire valoir leurs arguments, tandis que les autres partis se contentaient simplement de profiter de la publicité gratuite offerte par des journalistes amis.
En Suisse alémanique, ce n'est pas pareil, car l'éventail médiatique est beaucoup plus large. Le Tages Anzeiger est par exemple un journal avec une excellente réputation, mais d'orientation politique libérale et conservatrice, qui dit le plus grand bien de Blocher. Là-bas, le succès de Blocher à la tête d'EMS-CHEMIE comme self-made man contribue à accorder du crédit au personnage, plutôt que de le dépeindre comme un "sale bourgeois" ici.
Le propre site de Blocher reprend ses interventions dans la presse. Il n'est plus à jour depuis 2003 mais contient quand même des informations intéressantes. Paradoxalement, même le wiki francophone donne un portrait à peu près potable du personnage (surtout la partie "citations"!)
Pas la peine de chercher bien loin pourquoi il est tellement haï par la gauche...
VB : pourquoi la presse française tombe-t-elle dans le panneau ?
2SM : Une bonne partie du "tir de barrage" de la presse étrangère contre l'UDC et Blocher vient de Suisse même... Et sert des objectifs politiques suisses !
C'est tout simple: lorsque le Figaro ou Le Monde veulent publier un papier sur ce qui se passe en Suisse, ils ne vont pas dépêcher un collaborateur depuis Paris (nd. Oblib: un métier de fainéants, la presse ?). Ils vont tout simplement prendre la température auprès d'un de leurs "collaborateurs étrangers" déjà présent sur place, à temps plein. En d'autres termes: un journaliste local, qui travaille aussi, essentiellement, pour la presse locale, et répond aux requêtes de la presse étrangère à la demande.
Compte tenu de l'orientation gauchiste des journalistes romands, ils ne peuvent que rédiger des diatribes anti-UDC, intégrées aux quotidiens français.
Et du coup, les journalistes romands reprennent ensuite ces mêmes articles de la presse française et font de volumineux dossiers sur le thème "Blocher est un affreux raciste, regardez ce que la presse étrangère dit de nous, ceux qui votent UDC font passer les suisses pour des monstres." Je ne plaisante pas, ils ont même publié des numéros spéciaux de "reader's digest" juste pour mieux faire passer le message. Il y a même eu des émissions de télé sur ce thème.
Une telle instrumentalisation a peut être pu paraître ingénieuse à ses auteurs d'un point de vue strictement politicien, mais elle salit sérieusement la réputation internationale de la Suisse juste pour obéir à un agenda politique intérieur. Déplorable.
Il faut que les libéraux français aient conscience de la désinformation pratiquée par la presse francophone vis à vis de Christophe Blocher !
VB : Merci pour tous ces éléments passionnants !
La Suisse n'a décidément pas fini de nous étonner. Cela n'a rien à voir avec tout ce qui précède , mais le canton d'Obwald vient d'approuver par référendum une réforme fiscale instaurant une Flat Tax de... 1,8% (un virgule huit - pas une faute de frappe) !
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